
À l’ouest de l’oasis de Siwa se trouve un lac appelé el Marad ou Maraqi. En poursuivant la route le long de cette étendue d’eau, nous trouvons de grands inselbergs. Ils indiquent que nous sommes arrivés à Sidi Salah, du nom d’un homme religieux et très respecté par la communauté locale. Je n’ai pas réussi à savoir à quelle époque il a vécu. Sa tombe se trouve entre l’extrémité ouest du lac et les inselbergs, dont certains contiennent des tombes d’époque gréco-romaines creusées dans la paroi ou sur le sommet.


Sergio et moi sommes allés visiter ces tombes plusieurs fois. Elles ne sont pas décorées, mais on y trouve des ossements humains, dont la majorité ont été sortis de leur emplacements, certainement par des chiens errants. Sergio, toujours animé par l’envie d’en savoir plus sur l’histoire de Siwa, a profité de ces excursions pour tenter de trouver un temple funéraire dans cette zone. En effet, nous savons que, durant l’antiquité, il y avait toujours un temple proche des lieux de sépultures, mais à Sidi Salah nous n’avions toujours pas détecté la moindre pierre taillée.


N’ayant pas perdu l’espoir de dénicher une pierre taillée dans ce coin de l’oasis, c’est par un beau matin de mars 2022 que Sergio et moi-même quittons tôt notre maison afin de rejoindre notre ami Mohamed. Il habite sur la rive sud du lac de Siwa, face à la belle Adrere Amelal, la montagne blanche, où monte Nefret puis Aliénor dans mon roman Le temple caché de Zerzura. Après un bon petit déjeuner égyptien, préparé par un cuisinier talentueux, au cours duquel nous dégustons les traditionnels foul et falafels, nous montons dans la Toyota vintage de Mohamed en direction de Sidi Salah.
À mi-chemin, nous abandonnons la voiture près d’une ferme pour entamer une randonnée pédestre au sud du lac el-Marad. Nous sommes un vendredi, jour férié en Égypte. Personne ne vient croiser notre route, ainsi nous pouvons profiter pleinement du silence du désert.

Sur le bord du chemin, nous admirons le jaune vif des cistanches. Ces fleurs qui poussent dans le désert étaient, autrefois, une ressource alimentaire importante pour les populations sahariennes.

Nous croisons également des tamarix juchés sur des petites dunes constituées d’un mélange de sable et d’humus qui est produit par les feuilles tombées depuis des années au pied de ces arbustes. Leurs nombreuses petites fleurs sont mauves et peu odorantes.
Dans le mythe d’Osiris, il est dit qu’après l’assassinat du dieu Osiris par son grand frère, le dieu Seth, le corps d’Osiris aurait été porté par les courants jusqu’à Byblos, où il se serait encastré dans le tronc d’un tamarix géant.

À maintes reprises nous nous arrêtons au sommet des dunes de sable jaune et fin pour admirer le lac et guetter les oiseaux qui le survolent. La vue est magnifique !
Grimper lorsque le sol est mou est un exercice qui peut s’avérer exténuant ! Cette fois, Sergio a une bonne raison de répéter son expression favorite « pauvre Sergio ! »
Cependant, nous sommes motivés à atteindre les lieux où l’Histoire nous attend. Une heure plus tard, nous apercevons les montagnes où nous devinons, sans les voir, les tombes datant de l’époque gréco-romaine, et probablement romaine. En effet, plusieurs temples à Siwa ont été construits sous l’empire romain, ce qui permet d’affirmer que la population était alors plus importante qu’auparavant, donc également le nombre de sépultures.

Nous faisons une halte sous de hauts palmiers et décidons alors de ne pas nous diriger vers les tombes que nous connaissons déjà, mais de continuer au bord de l’eau pour essayer de trouver des traces du temple. Aujourd’hui, nous comptons sur les indications données par un bédouin à Mohamed pour enfin parvenir à nos fins.

Nous arrivons vers la zone où les habitants du hameau voisin auraient vu des blocs de construction. Nous insistons un long moment, parcourant de long en large le terrain, les yeux rivés vers le sol… malgré nos efforts, rien n’apparaît. Décidément, nos anges gardiens voudraient-ils nous éviter une malédiction pour qui déterrerait ce temple ? Déçus, nous reprenons notre marche, puis fatigués nous décidons de téléphoner à ce bédouin. Sans hésiter, ce dernier nous rejoint en 4X4 et nous ramène proche de l’endroit que nous venons d’inspecter. Il saute de son véhicule et, immédiatement, nous montre des morceaux de céramique parsemés sur le sable.

Cela ne fait aucun doute, il y avait ici un temple ou bien un village gréco-romain comme le laisse à penser le type de morceaux de poterie trouvé. Le jeune homme nous dit que son père à vu des pierres taillées, mais qu’elles sont maintenant au milieu du amas très dense de roseaux qui couvre une partie de la zone. Nous ne sommes pas équipés pour nous attaquer à ces hautes herbes, aussi, à contrecœur, nous renonçons à l’idée de voir, dès aujourd’hui, la preuve qu’il s’agit bien du temple maintes fois recherché. Au son de « pauvre Sergio ! » nous partons nous relaxer dans une source d’eau chaude et nous rassasier grâce à un déjeuner tardif mais savoureux chez notre ami Mohamed.
Nous sommes ravis d’avoir enfin localisé l’emplacement probable du temple antique à Sidi Salah. Aujourd’hui, l’Histoire n’a pas été ingrate !
Vous vous demandez peut-être quel est l’intérêt de mettre à jour les ruines d’un édifice antique, abandonné dans le sable. C’est sûr qu’il ne renferme aucun trésor. Alors pourquoi une telle motivation pour ces fouilles ? Parce qu’en réalité notre espoir est de découvrir des textes gravés sur ces vieilles pierres. Il n’y a pas de meilleures découvertes pour un égyptologue que des écritures qui peuvent compléter ses connaissances. Et à Siwa, l’Histoire est loin d’être entièrement reconstituée !
magnifique, très intéressant