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Notre épopée vers le visa soudanais

pascalebellamy30

Bonjour à toutes et à tous!


Aujourd'hui je vais vous raconter nos péripéties dans la quête de visas pour le Soudan.


Pourquoi visiter le Soudan? Pour Sergio, mon compagnon, il s'agit d'une sorte de pèlerinage sur les traces de Frédéric Cailliaud, et pour moi, c'est l'envie d'admirer le site de Méroé et d'aller à la rencontre des Soudanais, qui m'a-t-on dit, sont des personnes extrêmement accueillantes.



Nous avions donc décidé de nous y rendre en novembre 2021 avec un ami français, Éric, habitué à parcourir le monde. Le 9 octobre 2021, Sergio et moi-même, partîmes au Caire. Nous avions choisi un hôtel, le Saint Georges, proche du consulat du Soudan afin d'éviter les embouteillages matinaux de la capitale. Le 10 octobre, notre première erreur fût de prendre notre voiture, au lieu de nous offrir une marche sportive vers le consulat. En effet, ce dernier se situe dans un quartier de rues plutôt étroites, où les places de parking ne se trouvent que si l'on a la chance d'arriver lorsqu'un autre véhicule part. Après avoir risqué dix fois de rayer la carrosserie, Sergio, en sueurs, put enfin garer la voiture. Le bâtiment du consulat était facilement repérable à la foule amassée devant la porte d'entrée. Des centaines de personnes masqués formaient une queue ovoïde devant la porte. Sergio qui aime dire qu'il est un mouton noir, se trouva être, au milieu de ce troupeau, le seul mouton blanc. En effet, l'assemblée était essentiellement constituée d'Égyptiens partant travailler au Soudan, ou de Soudanais venus chercher des papiers administratifs.

À l'intérieur, assis derrière un vieux bureau en bois, un homme nous dit d'aller à la "chebbak 3". Nous rejoignîmes donc la file d'attente devant le guichet numéro 3, pour nous entendre dire, après vingt minutes de lutte pour conserver notre tour dans le désordre absolu qui régnait, que nous devions aller au guichet numéro 2. J'haussais les épaules, en marmonnant "mâ'lesh", mot emblématique du fatalisme égyptien. C'était reparti pour une attente, coudes écartés, vers un interlocuteur qui pourrait nous informer de la procédure à suivre. L'homme en question, debout derrière une vitre, ne défronçait pas les sourcils et balayait d'un revers de main les papiers lui parvenant insidieusement par l'ouverture du guichet numéro 1. Notre tour arriva. Il nous donna des imprimés à compléter, auxquels nous devions joindre deux photos d'identité, une photocopie de nos passeports et visas égyptiens, puis il nous dit de revenir avec ces formulaires remplis. Nous repartîmes à l'hôtel, contents d'avoir fait nos premiers pas vers notre Graal.

Le lendemain matin, nous étions persuadés que ce qu'il nous restait à faire au consulat serait de rendre ces formulaires, de payer, et nous pourrions ainsi repartir rapidement à Siwa, avec nos visas en poche. Prêts à affronter la cohue, nous retournâmes à la "chebbak 2", où la vitre restait désespérément transparente. Après une demie-heure, une femme arriva. Lorsque ce fût à notre tour de rendre nos formulaires, elles les regarda rapidement, puis nous les rendit, tout en essayant de nous expliquer pourquoi, pendant que des bras me passaient dessus les épaules, sur les côtés, à droite, à gauche, afin de déposer... je ne sais pas, peut-être le ticket du tiercé gagnant. "Mâ'lesh, mâ'lesh" me dis-je, tout en regardant Sergio, qui voyant les choses de plus haut, pourrait détecter un employé du consulat et lui lancer un S.O.S. Ce qu'il fit avec brio. Un homme en costume, au regard bienveillant, nous expliqua que nous devions revenir avec une photocopie de chaque formulaire, et de chaque pièce jointe. Lassés et déçus, nous repartîmes vers Siwa. Nous avions encore vingt jours pour faire ces démarches.

Et peut-être qu'en fait nous avions un ange gardien qui nous a fait économiser 300 euros, le prix des 2 visas, car le 25 octobre 2021, un coup d'état par l'armée contre le gouvernement de transition soudanais, nous obligea à reporter notre projet à une date ultérieure.

Nous nous sommes consolés en organisant un voyage inoubliable en Égypte, vers des sites antiques peu connus mais qui réellement valent le détour.



"Errare humanum est, perseverare autem diabolicum"

Et pourtant, nous avons reprogrammé notre voyage sur les pas de Frédéric Cailliaud pour novembre de cette année. Donc nous sommes retournés au consulat du Soudan au Caire le 16 octobre dernier.

Ce matin là, nous quittons, à pieds, l'hôtel Saint Georges. Cela nous permet de longer le zoo et de traverser un jardin botanique, avant d'affronter la cohue administrative.

Nous arrivons sur place à 9 heures, pour l'ouverture. Nous constatons que le consulat continue à exiger le masque pour entrer. Des vendeurs ambulants nous dépannent. À l'accueil, toujours derrière son vieux bureau, l'homme nous dit d'aller au guichet numéro 5. Nous sommes les quatrièmes dans la file d'attente, devant nous, deux femmes et un homme. Mais il n'y a personne derrière la vitre. De seconde en seconde, une file d'attente se constitue dans notre dos. Soudain, un grand moustachu me crie d'attendre dans la file des femmes... sauf qu'il n'y a qu'une seule file. Je grommèle mon premier "mâ'lesh" de la matinée et reste immobile à côté de Sergio. À 9 heures 30, une employée apparait enfin au guichet. Notre tour arrive assez rapidement, mais, hélas il y a un "mais", ce n'est pas le bon guichet... "chebbak 1"! Et bien sûr l'attente au guichet numéro 1 est bien plus longue. Deux barrières en métal délimitent la zone d'attente, et malgré cela, pour ne pas rompre avec la tradition des cohues ovoïdes, certains attendent leur tour en dehors de la zone. Quand notre tour arrive, notre interlocuteur doit donc gérer nos demandes et celles des deux "extérieurs" à la zone, arrivés eux-aussi au niveau du guichet. Nous repartons avec des formulaires à remplir et photocopier. Ce que nous faisons de suite, assis sur les marches d'une maison voisine, puis, l'Égypte étant pour cela très bien organisée, nous allons au petit magasin du coin, où un homme contrôle nos documents, les envoie à la photocopie, puis nous agrafe le tout. Ensuite, retour "chebbak 1"! Même attente, et enfin l'homme griffonne nos papiers et nous demande d'aller payer au guichet numéro 5. Vous suivez toujours?

Cette fois, une file femmes et une file hommes sont organisées. Tant mieux, car la file femmes est plus courte et j'accède assez vite à l'employée. Elle me demande alors 300 dollars... Je lui explique que je suis européenne et que je vis en Égypte, et que je n'ai donc pas de dollars. Elle me répond sèchement "dollars!". Nous cherchons ensuite désespérément un regard bienveillant, interpelons un autre employé qui nous répond "dollars"! "Mâ'lesh, mâ'lesh" si près du but! En pleine période de pénurie de dollars dans le pays! est-ce une mauvaise blague de notre ange gardien? Un test de persévérance?

Alors... Nous téléphonons à un ami, qui pense pouvoir nous trouver la devise requise pour acquérir notre "Arlésienne". Le 18 au soir nous dinons avec notre ami qui nous donne 200 dollars. Les informations sur internet n'étant pas très claires, j'espère que cela sera suffisant.

Le 19 octobre matin, masqués, nous entrons dans le consulat et demandons au premier employé disponible combien nous devons payer... 300 dollars. Nous ressortons donc à la recherche des 100 dollars manquant. Un banquier, facilement trouvé, nous informe que seul un bureau de change pourra nous fournir ces devises, et il essaie de nous indiquer où en trouver un... à côté d'un kebab. L'information est vague, mais Google nous la précise. Nous poursuivons notre quête, Sergio, le nez penché sur son GPS, moi, le nez en l'air afin de détecter les effluves de mouton grillé, ceci jusqu'au lieu dit "Change". Là, un homme nous murmure qu'il n'a plus que 100 dollars puis s'étonne de nos mine réjouies.

Retour à la case départ, c'est à dire le guichet numéro 5, la file des femmes, où l'une d'entre-elle se met à crier sur un jeune homme qui essaie de passer devant tout le monde. Sergio et un autre grand de taille s'inventent le rôle de gardiens de l'ordre de passage. Après une demie-heure d'attente, je donne l'argent, l'employée écrit sur mes formulaires et me les rend accompagnés d'un "chebbak 1!"

Cette fois, notre ange gardien, s'il n'est pas pervers, a joué son rôle, puisque nous entendons enfin "revenez chercher vos passeport à 15 heures". Prudents, nous nous abstenons de crier "youpi!" et il faut que nous partons vite à la recherche du Touring Club du Caire, car nous venons d'apprendre qu'à la frontière nous aurons besoin d'un carnet de passage pour la voiture. À ce jour, le 29 octobre, nous ne l'avons pas... un nouveau test de persévérance nous attend, une autre épopée!

Bref, à 15 heures nous revoilou, revoilà, à attendre au consulat. Entre temps, la personne qui doit m'interviewer le soir, à l'Institut Français du Caire, m'a demandé de choisir quelques passages du "Temple caché de Zerzura", pour les présenter aux participants de l'évènement. Je repère un rang de chaises en plastique, reliées par une barre en fer, où je choisis de m'installer pour préparer mes textes, pendant que Sergio joue des coudes devant Le guichet numéro 1. 15 heures... rien. 15 heures 30... quelques passeports bleus arrivent. 16 heures... je dois partir. J'abandonne Sergio et je cours vers une avenue pour héler un taxi. L'avantage au Caire, c'est qu'il y en a beaucoup. Je dois vite me changer pour ma présentation du soir. 16 heures 30, Sergio me téléphone... Il a les visas, mais ne sais plus où nous avons garer la voiture. "Mâ'lesh", s'il ne la retrouve pas rapidement, j'irai à mon rendez-vous en taxi.


Finalement, il est arrivé à temps à l'hôtel et pendant tout le trajet nous menant à l'Institut Français du Caire, j'ai dû vérifier plusieurs fois que, non, je ne rêvais pas, nous avions nos visas!

C'était une sacré épreuve de patience, et il faudra que notre périple au Soudan soit vraiment magnifique pour que j'ai l'envie de revivre ça. L'amabilité des Soudanais, si unanimement exprimée par les voyageurs, n'était pas visibles chez les employés du consulat, mais je ne les blâme pas, car ils ont à gérer au quotidien des centaines de demandes dans un désordre total, mais, à postériori, pas trop bruyant.


Pour finir, quelques mots sur Frédéric Cailliaud :





Le Nantais Frédéric Cailliaud est l’un des plus illustres voyageurs français du début du XIXe siècle. Parcourant l’Égypte et remontant le Nil jusqu’au Soudan actuel, il découvre l’antique cité de Méroé. Ses observations lors de ses expéditions - qui ont aidé Champollion à déchiffrer les hiéroglyphes - en font l’un des pionniers de l’égyptologie.






Frédéric Cailliaud est né le 9 juin 1787 à Nantes. Après des études de minéralogie et de sciences naturelles, il suit une formation de bijoutier, qu’il complète en voyageant deux ans en Europe : Belgique, Pays-Bas, Italie… Mais les troubles politiques, la chute de Napoléon, réveille le sentiment anti-français dans l’Italie conquise et le poussent à partir précipitamment, le 29 août 1814.

Embarquant hâtivement sur un navire grec, il se retrouve dans le Péloponnèse puis part à Istanbul, Cailliaud où il travaille comme joaillier au service du sultan Mahmoud II. Ayant ainsi amassé quelques économies grâce à cet emploi, il décide de continuer son périple méditerranéen.

Il débarque au Caire le 12 mai 1815 et rencontre à son arrivée l’ancien vice-consul de France à Alexandrie, Bernardino Drovetti, un amateur d’antiquités proche du vice-roi d’Égypte. Le Français vient d’obtenir de Méhémet Ali une autorisation de fouilles sur les sites de Thèbes, Louxor et Abou Simbel. Drovetti invite Cailliaud à le suivre et, en janvier 1816, les deux hommes partent pour six mois. À leur retour, Drovetti fait embaucher le Nantais comme minéralogiste auprès de Méhémet Ali. Le vice-roi lui confie la mission de retrouver les anciennes mines d’émeraudes des pharaons. Après quelques mois de recherches, Cailliaud en retrouve la trace. De retour en janvier 1817 au Caire, Méhémet Ali finance une seconde expédition, plus importante, pour continuer les recherches. Le départ est prévu pour le mois d’octobre suivant, ce qui laisse du temps au jeune homme pour dénicher de nouvelles antiquités à Thèbes. Lors de cette seconde virée dans le sud égyptien, Cailliaud met en évidence la ville antique de Sekket, une ancienne cité marchande fréquentée par les mineurs, abandonnée depuis plus de vingt siècles.

Cailliaud rentre en France en octobre 1818. Le jeune homme suscite l’intérêt des savants de l’Hexagone, et notamment d’Edme-François Jomard, ingénieur-géographe lors de la campagne d’Égypte et membre de l’Académie des inscriptions et des belles-lettres. C’est grâce à lui que le ministère de l’Intérieur achète au Nantais ses dessins et ses antiquités, et que la Commission d’Égypte publie ses carnets de voyages à ses frais. Le gouvernement finance également une nouvelle expédition, une mission dont l’objectif est de « poursuivre l’exploration du pays à partir de l’île de Philae, dernier site visité par les savants de la campagne Égypte ».


Le Breton doit également cartographier le pays, il est aidé en ça par l’aspirant de Marine, Pierre-Constant Letorzec. Le 10 septembre 1819, les deux hommes embarquent à Marseille. Après un passage au Caire, ils prennent la direction du désert de Libye, à l’ouest du pays. Après trois mois de fouilles, ils apprennent que Méhémet Ali prépare une grande expédition militaire vers le sud. Ils se joignent donc au voyage qui prévoit de s’enfoncer sur 1800 km à travers le désert occidental.

La découverte de Méroé

Frédéric Cailliaud rejoint l’armée du pacha en mars 1820 pour une aventure de plus de deux ans, qui lui permet de multiplier les découvertes. Le 4 janvier 1821, la troupe atteint les ruines du temple de Soleb, ce qui fait du Breton l’un des premiers Européens à y pénétrer. Cailliaud doit composer avec les autres scientifiques de l’expédition. La rivalité entre les Italiens et le Français ne cesse de s’exacerber, chacun voulant voir son nom entrer dans l’Histoire. C’est pourquoi Cailliaud décide de partir au-devant de l’armée : après avoir obtenu l’autorisation du pacha, à qui il promit de chercher les mines d’or de Nubie, il se déguise avec Letorzec en marchands turcs, et tous deux arrivent les premiers aux ruines de l’ancienne capitale du royaume de Koush (Éthiopie), le 25 avril 1821. «Enfin, j’y arrivai : mon premier soin fut de gravir sur une éminence, pour embrasser d’un coup d’œil l’ensemble des pyramides. J’y restai immobile de plaisir et d’admiration à la vue de ce spectacle imposant. J’allai ensuite monter sur le plus élevé de ces monuments. Là, voulant payer un faible tribut d’hommage au géographe illustre dont le génie avait guidé mes pas, je gravai sur la pierre le nom de d’Anville. Promenant de nouveau mes regards autour de moi, je découvris dans l’ouest un second groupe de pyramides, et, à peu de distance du fleuve, un vaste espace couvert de ruines et de décombres, annonçant assez l’emplacement d’une ville antique », raconte Cailliaud dans ses carnets. Le Breton restera durant quinze jours avec son équipe pour effectuer des fouilles, avant de reprendre le sillage de l’armée égyptienne. Cette dernière poursuit sa route jusqu’au confluent du Nil Bleu et du Nil Blanc, à proximité de Khartoum, avant de faire demi-tour et de rentrer au Caire, à la fin du mois de septembre 1822.


Et Siwa ?






L’un des objectifs de Frédéric Cailliaud était de réaliser une cartographie complète de l’Égypte et de la Nubie, accompagné de Pierre-Constant Letorzec, pour l’aider dans sa tâche et effectuer les relevés astronomiques. En 1819 les deux hommes firent un séjour à l’Oasis de Siwa.











Dans un mois, le récit de nos aventures soudanaises!

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